
Comprendre le pouvoir d’achat dans les années 2020
Le pouvoir d’achat est l’indicateur économique le mieux partagé. Beaucoup moins austère que le taux d’emploi, la croissance du PIB, le coefficient de Gini ou autres friandises économétriques, il est facile à appréhender.
En disant « pouvoir d’achat », chacun comprend bien qu’il s’agit là de ce qu’il peut acheter. C’est concret. L’indicateur est populaire et pour un indicateur scientifique dans une démocratie d’expertise, c’est une bonne chose.
OFFICIELLEMENT TOUT VA BIEN
Mais c’est un indicateur fragile, et éculé. Ce n’est pas un secret, mais on ne le dit pas assez : le pouvoir d’achat n’est plus une boussole pertinente pour les décideurs publics ou privés chargés de sécuriser le niveau de vie des Français.
Le pouvoir d’achat est un calcul : c’est la différence entre la variation des revenus et la variation des prix. Si les prix ont augmenté de 1 et que les revenus ont augmenté de 1, le pouvoir d’achat a augmenté de 1-1= 0. Si les prix sont restés stables, et que les revenus ont augmenté de 1, alors le pouvoir d’achat a augmenté de 1-0 = 1.
LE POUVOIR D’ACHAT DE QUI, OU DE QUOI, EXACTEMENT ?
Depuis 2009, le pouvoir d’achat ainsi défini a progressé de 7%. Incroyable ! De quoi les Français se plaignent-ils donc ?! Quand la statistique économique heurte aussi frontalement la réalité, il faut interroger l’indicateur. Les revenus oui, mais de qui ? Les prix oui, mais de quoi ?
Il s’agit du revenu disponible au sens de l’INSEE, c’est-à-dire les salaires et prestations sociales moins les impôts pour la France et non pour les Français. Cette différence est très importante. Ça veut dire que l’indicateur ne prend pas en compte la hausse de la population. Or si l’on gagne plus, mais qu’on a plus de bouches à nourrir, notre pouvoir d’achat n’a pas progressé.
Deuxième remarque, ce revenu dit « disponible » n’intègre pas les charges fixes. Or les prélèvements automatiques de début de mois sont devenus si nombreux que le revenu ainsi choisi par l’INSEE n’est plus aussi disponible que ça dès le 10 du mois.
Concernant les prix utilisés par l’INSEE, on n’ose à peine écrire que la mensualité de crédit immobilier est exclue du calcul et que les prix sont pondérés d’un effet qualité : si un produit est plus cher qu’avant, mais que sa qualité a augmenté, l’INSEE considère qu’il vaut son prix et que ce n’est donc pas une perte de pouvoir d’achat. Un peu comme si le prix de l’i-phone n’avait jamais changé.
Au total, si on calcule non plus le pouvoir d’achat du revenu après impôts mais le revenu après charges fixes de la population française, on tombe sur une hausse du pouvoir d’achat de 0 % tout rond en moyenne depuis 2009. Et l’on comprend tout de suite ce que ça veut dire pour ceux qui sont « en-dessous de la moyenne ».