
Sur la gestion du salaire
Cela parait logique : plus notre salaire est petit, plus on gagne à bien le gérer. On pourrait même en tirer une maxime : l’attention qu’on donne à son argent doit être inversement proportionnelle à la quantité qu’on en a.
Alors pourquoi diable un grand nombre de salariés passent-ils si d’autant moins de temps à faire leurs comptes que leur salaire est bas ?
AU FAIT, QUE VEUT DIRE GÉRER ?
Gérer traduit la volonté d’un individu de connaître objectivement sa position comptable – l’argent qui entre, l’argent qui sort – et patrimoniale – ce que j’ai, ce que je dois – et ce qu’elle pourrait être à l’avenir selon tel ou tel scenario.
Précisions que connaître objectivement signifie acquérir un savoir rigoureux reposant sur des méthodes éprouvées et non sur des intuitions erronées telle que « ça va passer » ou « je ne m’en sors pas ».
L’ÉCOLE NE NOUS A RIEN APPRIS EN LA MATIÈRE
Eh bien l’on ne gère pas son argent parce que l’Ecole ne nous apprend pas à le faire. Il n’y a pas d’épreuve de « gestion de l’argent » au baccalauréat parce qu’à l’origine de la conception républicaine des programmes, il y a 150 ans, apprendre à gérer son argent n’était pas un enjeu d’émancipation citoyenne, contrairement aux Lettres capables d’affranchir des tutelles politiques et aux Sciences capables d’affranchir des tutelles religieuses.
Le succès est total : les urnes et les églises sont vides, le politique et le religieux ne comptent plus. Nouveau tyran, c’est désormais la société d’ultra-consommation qui tient le compte de notre docilité. Le déluge publicitaire et la concurrence féroce façonnent nos désirs et nous trompent : à les croire les produits sont moins chers. Urnes vides, églises vides, portes-monnaies vides, aussi.
ON NOUS SOLLICITE TROP POUR RIEN, DUR DE TENIR LE FIL !
Le système a baissé les prix mais multiplié les achats et leur répétition. Nous ne gérons pas car nos dépenses sont souvent de montants si petits qu’ils paraissent insignifiants pris isolément les uns des autres. Autrefois, aller au restaurant était le point d’orgue d’une année. On achetait un meuble ou un vêtement pour toujours.
On se sent pauvre pourtant l’on achète tout et tout le temps : abonnements, facilités de paiement, crédit à la consommation : voici les chaines nouvelles de notre asservissement nouveau.
L’Ecole publique n’apprend pas à gérer, le secteur privé non plus, ou trop peu. Dans une société de consommation ultra-complexe, gérer est une gageure qui demande éducation et conseil. Salarium est là, il y en a d’autres aussi, pour que change notre rapport à l’argent. On gère pour être celui qui décide ; pour rester maître. Pour pouvoir rendre compte, à soi, ne pas rougir, être libre.